Un employeur peut-il produire les messages électroniques de son salarié devant le Conseil de Prud’hommes ?

A l’heure des réseaux sociaux, des messageries instantanés et du tout numérique, il est souvent tentant pour un employeur d’utiliser devant le Conseil de Prud’hommes, les messages reçus ou adressés par son salarié depuis sa messagerie électronique.
Mais est-ce recevable ?
I – Le contenu de la messagerie professionnelle
Aux termes des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 9 du Code civil, 226-15 du Code pénal et L1121-1 du Code du travail, le salarié a droit au respect de sa vie privée et au secret de ses correspondances.
Pour autant, la Cour de cassation considère que « les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé ».
Cette présomption de caractère professionnel des éléments stockés sur l’ordinateur de l’entreprise s’applique également aux courriers électroniques adressés par le salarié au moyen de sa boite de messagerie professionnelle.
Dès lors, l’employeur est en droit de les ouvrir hors sa présence et d’en produire le contenu en Justice sauf si le salarié les a identifiés comme étant personnels.
II – Le contenu de la messagerie personnelle
Il en va néanmoins différemment lorsqu’il s’agit de la boîte de messagerie personnelle du salarié.
La Cour de cassation considère en effet que la présomption précitée n’est pas applicable à la boîte de messagerie personnelle de l’employé lorsque celle-ci est « distincte de sa messagerie professionnelle ».
Par conséquent, le contenu de cette boîte de messagerie ne peut être consulté par l’employeur, ni encore moins produit devant le conseil de prud’hommes.
A noter que ce principe s’applique tout autant aux boîtes de messagerie « traditionnelle » qu’aux services de messagerie instantanée des réseaux sociaux, comme l’a confirmé la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2019 (pourvoi n°17-28.448), relatif à la messagerie MSN-Messenger.
Par exception, la jurisprudence (Cf. notamment Cour d'appel TOULOUSE 02/02/2018) considère qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée du salarié lorsque l’élément produit a été volontairement divulgué par lui.
Le seul fait que l’élément produit ait été visible ou accessible ne suffit néanmoins pas à démontrer une quelconque divulgation de la part du salarié l’employeur devant démontrer une réelle intention de divulgation de la part du salarié.
Commentaires
Soyez le premier à commenter cette publication